Pourquoi le bonheur au travail ne doit pas être le combat des RH

Plutôt que de concentrer vos efforts sur un bonheur sur lequel vous n’avez pas de prise, mieux vaut réfléchir à d’autres solutions pour favoriser l’épanouissement de vos collaborateurs ! Voici quelques pistes présentées dans le cadre du festival Web2Day, à Nantes.

Le bonheur de vos salariés au travail ne dépend pas de vous.
© HelloWork

Est-ce à l’entreprise de nous rendre heureux ? La question peut sembler cynique mais ouvre le débat : comment les RH peuvent-elles contribuer à l’épanouissement de leurs collaborateurs au travail ? A cela, les trois intervenantes du Web2Day répondent en chœur : en arrêtant de viser le bonheur au travail.

« Notre société nous incite à cacher nos états émotionnels négatifs, nous enjoint au bonheur perpétuel, notamment au travail, observe Clara Delétraz, fondatrice de Switch Collective, un programme de reconversion professionnelle. Le travail est devenu une nouvelle religion, censée nous maintenir à flots dans un monde qui marche à l’envers. On a tendance à vouloir travailler toujours plus et à consommer davantage pour être plus heureux. La culture start-up exacerbe d’ailleurs cette logique : il faut être entrepreneur de sa vie pour être plus heureux. Or cela crée une fuite en avant, une course sans fin après quelque chose qui nous manque en permanence. »

Dans le monde de l’entreprise, cette injonction au bonheur s’est traduite par l’avènement des Chief Happiness Officer, des cours de yoga et des corbeilles de fruits gratuites. Des mesures souvent jugées cosmétiques par les collaborateurs. N’est-il pas temps de changer de logiciel ?

Le bonheur : un état subjectif qui ne dépend pas de vous !

Pourquoi placer le bonheur comme fin absolue est-il voué à l’échec ? D’abord parce que le bonheur de vos collaborateurs ne dépend pas de vous. Il est vain de vouloir agir sur un facteur sur lequel vous n’avez pas de prise, car vous ne pourrez jamais être certain que les actions mises en place contribueront à rendre vos équipes plus heureuses : « Le bonheur est un état qu’on ressent subjectivement. Personne ne peut savoir à notre place si on est heureux et personne ne peut nous forcer à l’être non plus. Pourquoi parle-t-on de bonheur au travail alors même que c’est un état que personne ne peut déterminer ? La gestion des émotions doit-elle être assumée par l’entreprise ? Je ne crois pas ! » assure Céline Marty, chercheuse en philosophie du travail à l’université de Franche-Comté.

Ensuite parce que le bonheur est très difficile à évaluer : « Qui ose dire qu’il n’est pas heureux à son travail ? poursuit la philosophe. David Graeber, à l’origine de l’expression ‘’bullshit jobs’’, suggère que les gens qui ont le sentiment que leur travail est inutile n’osent pas le dire à leurs collègues parce qu’ils ont honte. »

Sur quoi concentrer vos efforts à la place ?

Si le bonheur ne doit pas être le Graal des RH, elles ont un rôle non négligeable à jouer pour créer les conditions d’épanouissement de leurs collaborateurs au travail. Elles peuvent agir sur plusieurs tableaux :

  • le sens au travail: Clara Delétraz distingue trois façons de donner du sens à une activité professionnelle : par la finalité (un projet à impact environnemental ou sociétal positif), par la tâche (une activité qui nourrit intellectuellement ou spirituellement, comme l’art ou l’artisanat, par exemple), par l’environnement (une attitude positive du manager, des collègues). Les RH peuvent intervenir à ces différents niveaux pour instiller du sens dans les missions de leurs collaborateurs au quotidien.

« Il ne s’agit pas de faire de fausses promesses employeur mais de proposer des avantages concrets à ses collaborateurs. Chez Phenix, nous mettons en contact nos magasins avec des associations pour éviter le gaspillage alimentaire et nous octroyons à nos salariés une demi-journée par mois durant laquelle ils peuvent aller faire du bénévolat dans une association », précise Pauline Barnouin, Chief Human Resources Officer de la start-up Phenix.

  • le bien-être au travail: autre sujet de premier ordre pour attirer et fidéliser ses talents, le bien-être au travail commence par une écoute attentive des souhaits de ses équipes : « Finie l’époque où les salariés supportaient que leur direction leur offre des avantages délirants pour ne pas se pencher sur des sujets comme la mise en place de feedbacks bienveillants et francs ou d’une politique de rémunération transparente et équitable », constate la DRH.

Son entreprise a décidé de sonder ses collaborateurs en leur envoyant un questionnaire d’engagement chaque trimestre : « La première question est simple : ‘’Comment ça va ?’’. On leur demande ensuite de classer différents critères (les missions, les opportunités d’évolution professionnelle, le niveau de reconnaissance, leur fierté d’appartenance à l’entreprise) en fonction de leur importance relative pour eux et de les évaluer. Ça nous permet de nous rendre compte que la notion de sens varie grandement selon chacun et de personnaliser nos réponses. »

  • la reconnaissance: « La pause des confinements nous a permis de nous questionner sur nos conditions de travail et sur leurs conséquences, ce qui explique la pénurie de main-d’œuvre actuelle dans l’hôtellerie-restauration, analyse Céline Marty. Les employeurs doivent donc s’adapter : il n’y a aucun de patron de restaurant qui dit aujourd’hui à un candidat : ‘’Je vais vous rendre heureux’’. Il leur demandera plutôt : ‘’Vous voulez combien ?’’ Ou ‘’ça vous dit de travailler 4 jours par semaine ?’’.  On revient à des propositions très concrètes, comme le fait de pouvoir adapter son emploi du temps à nos contraintes de garde d’enfant. Le discours ne peut pas être à géométrie variable, les avantages ne peuvent plus être le privilège de ceux qui savent négocier. »
  • la réussite collective: plutôt que de créer les conditions d’un succès individuel, les RH ont plus intérêt (et de chances de réussite) si elles se focalisent sur la réussite collective. Pour Clara Delétraz, l’entreprise doit « produire d’autres imaginaires, qui sortent d’une logique néolibérale dans laquelle on mesure le succès de quelqu’un à ses attributs pro : un poste, un salaire. Aujourd’hui, on sur-responsabilise l’individu et cela peut générer des souffrances. Remettre de l’inclusion, du collectif, dans ce qu’on fait est une clé saine d’épanouissement au travail ».
Sujets liés : Qualité de vie au travail
  • Carine Henry,

    voilà qui est pondéré et inspirant ! la dictature du bonheur est individuellement et collectivement épuisante. Être « juste bien » est tellement plus intéressant, par ce cumul d’être bien et d’être juste là où on se trouve ! Ce sont de telles réflexions, puis de telles actions, de tels engagements qui permettront de devenir un employeur recherché !

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